J’me présente, je m’appelle Théophile Le Verbeux, lieutenant de police à la Brigade de Sécurité du Président de la République. Pas grand, un peu truand, au langage coloré, j’adore Johnny, Frédéric Dard, Audiard et la philosophie, surtout la mienne que je pratique dans toutes les situations. Notamment celle où, fortement ébranlé par le décès de Mamy Molette, ma grand-mère adorée, j’étais imbriqué dans une énigme des plus louches.
Afin de changer mes idées noires en nuances de gris c’est gris, mon supérieur, le capitaine Chico Réleroux m’avait traîné avec lui pour planquer pas loin du Théâtre des Bouffes Parisiens dans le 2ème arrondissement.
— Il y a du rififi en préparation, m’avait-il dit mystérieux.
Pourtant c’était le calme plat. Les heures passaient, je resassais et comme j’allais mal, j’avais pris des antidépresseurs qui m’endormirent. Soudain un coup de feu me réanima. Nous fûmes alors témoins d’un enlèvement et pas des moindres. Celui de Nicolas, le Président lui-même et son épouse. Le garde du corps avait les bras en croix au sol. N’écoutant que le courage de Chico, nous sortions du sous-marin et pointions nos armes sur les malfrats. La mienne plutôt branlante, nous fîmes les sommations. Puis plus rien, j’me suis réveillé dans le yellow submarine avec un terrible mal de crâne et un fusil d’assaut entre les mains. Chico, en sang, me tapotait les joues et m’annonça que j’avais tué le Président. Je me défendis, disant me souvenir l’avoir défendu.
— Non, non ! T’as perdu la boule et t’as tiré dans le tas. Du coup, ils ont enlevé Carla et emmené le corps de Nicolas dans la nuit.
Anéanti, j’arrivai à me mettre debout mais je m’écroulai aussitôt. Je me relevai avec l’aide de Chico et nous nous carapatâmes en bagnole jusqu’à mon domicile. Le capitaine alluma la télévision, un flash annonçait que j’étais recherché par la police pour avoir froidement supprimé le Chef de l’Etat qui sortait du théâtre en compagnie de son épouse. J’étais l’ennemi public numéro un, l’homme à abattre. Ma première bavure.
— Nom d’un Bérurier aphasique ! dis-je en tapant mollement du poing sur la table. La mort de Mamy Molette m’a secoué à ce point ?
J’étais si désemparé que Chico me tendit une plaquette de je n’sais pas quoi.
— Tiens prends ça ! Ça va te requinquer.
— C’est pas possible ! Toi qui as tout vu, je n’ai pas commis un meurtre ?
— Ben si justement, tu n’étais plus toi-même.
— Tu te rends compte, je n’suis plus libre dans ma tête, déjà mort peut-être, ajoutai-je me palpant un ventre qui avait plus de la brioche que de la planche à découper.
— Personne ne nous a vu décamper. Ici, tu es en danger. Je t’emmène dans un endroit sûr.
Nous sortîmes de ma maison juste à temps. Les sirènes des voitures hurlaient à deux pas de là. Au moment de monter dans ma tire, Chico m’encouragea à partir tout seul.
— J’y vais, ils auront un os à ronger et tu pourras prendre la tangente.
La police française aux trousses, je ne réfléchis pas davantage. Je devais disparaitre de la circulation et bien au-delà des frontières, dans un monde nouveau…. Le moral en Chine du Sud, je démarrai pour rejoindre Mamy Molette. Mon sort était réglé.
Quelques kilomètres plus loin, le moteur de ma R5 GT Turbo ronflait à bloc. C’était la seule solution. En tant qu’assassin, j’allais fermer les mirettes définitivement. Il y avait deux platanes de chaque côté de la route, je choisis le plus beau, à droite. J’appuyai à fond sur la pédale et fonçai sur l’arbre à boules qui s’ouvrit. Ben oui ! Yeux écarquillés, pied au plancher, j’entrai dans un espace inconnu.
— C’est le Paradis ? J’ai passé l’arme à gauche ?
Ça m’faisait tout drôle. Moi, Théophile Le Verbeux, le bien nommé, l’intuitif, le résolu, doté d’un très bon sens relationnel, je m’apprêtai à converser avec saint Pierre. Au lieu du gardien de la céleste porte, j’entendis feue ma grand-mère. Pour le coup, croyant que je dérapais vraiment du ciboulot, je décrassai mes écoutilles d’un auriculaire fouisseur. Mais non, c’était bien sa voix haut perchée.
— J’suis mort, dis-je aussi fataliste que le Jacques du Diderot cyclopédiste.
— Non Théo ! Ce n’est pas l’heure.
Qu’est-ce qu’elle raconte ? soliloquai-je. Mamy Molette était partie, il y a huit jours, un matin, comme ça. Elle s’était endormie et jamais réveillée.
— Après le propylée, tu dois donner le mot de passe, insista-t-elle.
Comme je ne la voyais pas, je me suis dit « Théophile, sois prudent, t’es peut-être dans « Total recall » D’ailleurs à y réfléchir, ces temps derniers ma grand-mère me saoulait avec une histoire de porte à ouvrir. Et aujourd’hui, mon petit doigt me disait que je venais de la franchir, remake ou pas.
— Me v’là estratéresse ! Peut-être même que je suis en mission spéciale…
Encore abruti par les médocs de Chico, je me fis malgré tout une raison. Je revenais à mes moutons. Qu’entendait Mamy par « donner le mot de passe » Pour l’heure, j’étais, je ne sais où, dans un vestibule plein de branches et sous un ciel laiteux. A bien y regarder, ce firmament providentiel était moucheté d’étranges hélicoptères qui tournoyaient au-dessus de ma tête. Ils s’approchèrent et m’assommèrent d’un message injonctif.
— Le-password-où-nous-tirons !
Croyez-moi, le Tigre et le Cougar de notre armée de l’air à côté de ces engins, c’est du pipi d’nana. Qu’est-ce qu’ils avaient avec ce foutu mot de passe ? Ils commençaient à me les casser menu-menu. Je me connais, y me fallait tirer ça au clair, maintenant que mes idées étaient revenues à elles.
Je coupai le contacteur de ma GT, un grand crac se produisit et elle fit un à-pic, se fracassant au sol. Légèrement groggy, j’en sortis et fis quelques pas autour. Je n’eus, hélas, pas le loisir de constater l’état de mon bolide. Les Hélico Ventriloques Non Identifiés, accompagnés de cerbères robotisés avec une scie circulaire à la place des dents, me firent droper le djebel.
— Le-password-ou-nous-tirons !
— Faites chier ! Mamy Molette l’a avalé avec son bulletin de naissance, que je leur criai en jouant l’Arlésienne du 100 mètres.
— Dirigez-vous-vers-la-salle-Adier !
J’allais leur balancer que je débarquais dans ce monde de dingues, lorsqu’un concombre me bouscula. Il courrait à perdre sa laine. Sans me poser de questions, je le suivis alors que les HVNI et les molosses à scie le coursaient. Je réalisai soudain qu’ils en avaient après lui. Mais je le perdis de vue.
Arrivé à l’entrée d’un bâtiment, j’étais dans le noir et j’avais peu d’espoir, mon briquet éclaira ma lanterne. J’étais dans un abri grouillant de pourriture.
— Ben mon prolo ! Une endworld, j’vous dis.
La Faucheuse m’attendait au bout du couloir, pas possible autrement. Dans un coin, je trouvai le sprinter longiligne, en tranches huilées. Ça m’a refroidi. Tel un Prométhée abandonné, j’avais les foies. C’était couru, l’aigle noir allait surgir de quelque part et boufferait ma cirrhose récalcitrante. J’avais vécu sans me retourner et ma fin arrivait à grands pas, encore une fois. J’en étais là de mes réflexions philosophiques lorsqu’un bruit d’ailes me fit tendre les portugaises.
— Quésaco ? fis-je alors au bord de la crise hépatique de nerf.
Libre dans ma tête, j’allumai le feu de mon zippo. La bestiole aveuglée s’écrasa au sol et je perçus un plaf mou.
— Ah ! Ah ! Bien fait, sale gypaète de mes deux ! Foi de Théo, tu finiras en édredon, criai-je alors qu’on titillait la jambe de mon pantalon. Qui c’est qu’est là ? fis-je agacé. C’est toi Mamy ?
Une timidité rouge s’avança.
— Un néménèmse, ni plusse ni moinsse ! m’esclaffai-je ébahi.
J’avais devant moi une tomate à pattes et à mains, muette. Le hasard m’avait fait croiser tant d’inepties que je restai de Carrare. Elle tendit le bras à droite où gisait mon emplumé qui s’avéra être une méga chenille à-z-ailes, d’où le plaf mou de tout à l’heure. C’était une bestiole en ferraille articulée avec une burette sur le dos.
La seconde de perplexité inhérente à certains questionnements fit que je me laissai surprendre par une attaque sournoise et soudaine du reste de la bande. Les larves lépidoptères susnommées déroulaient des trompes suceuses agressives à mon égard. Les roupettes en alerte, je tâtai mes abattis du bas. Ouf ! Bonnes pour le service.
— Saletés ! hurlai-je, brandissant ma flammèche guerrière.
Pendant ce temps, la solanacée rubiconde crachait direct des projectiles vers les ailes ennemies. Ebaubi, je les vis perdre leurs élytres et tomber comme des mouches aptères. Je m’approchai des bombyx inoffensifs aux burettes percées. Mais l’une de ces cochonneries volantes avait résisté. Elle noya la copine à pépins d’un jet visqueux qui la paralysa illico. Je la pris sous le bras comme je pus et je plongeai sous les décombres oxydés des cadavres huileux. Ma néménèmse refit surface. Parole de Théophile Le Verbeux, elle sentait la PPF, autrement dit, Première Pression à Froid, si vous avez la comprenoire hésitante.
— C’est quoi ce binz ? j’ai dit. On est chez les Martiens ?
Le sol se mit à trembler. L’Olivette amie me signifia par signes qu’il fallait décaniller si on ne voulait pas servir de déjeuner aux rejetons des chenilles. Là, j’ai dit merci à Chico Réleroux, mon binôme, du temps où j’étais flic sur Terre. Y m’avait méthodifié la comprenette au langage des muets. Même si je n’savais pas à qui j’avais à faire exactement, je pigeai au moins qu’il fallait derechef prendre la poudre que l’on qualifiait parfois d’escampette. Nous atteignions le record de l’esquive, lorsque la Marmande explicite pointa le doigt vers une architecture argentée.
C’est à ce moment-là, qu’une cucurbitacée siamoise nous dépassa. C’était le même légume que l’autre, mais double. Je courus de suite après la bizarrerie maraîchère qui soufflait sel et eau.
— Salut ! dis-je mi-figue, mi-raisin.
— HHeelllloo ! JJee ssuuiiss llee ccoonnccoommbbrree ppaaccsséé.
— Moi c’est Théophile Le Verbeux ! T’es bègue ?
— Nnoonn !! PPoouurrqquuooii ??
— A cause des 6000 caractères, la contrainte de la nouvelle littéraire. Mais laisse tomber, tu n’peux pas comprendre… Là mon auteur va se venger.
— AARRGGHH ! fit le vert coureur serrant la cordelette qu’il avait à hauteur …du cou.
— Ben voilà ! C’est fait. Stop ! dis-je au dessalé qui, du coup, avait retrouvé langage normal, on est où ?
— Sur Vito, la planète aux légumes planteurs.
L’ami concombre me déniaisa. Grâce à la présence massive de cailloux, le sol rustique et ensoleillé était une mine d’or pour la culture des oliviers. Les Vitossiens faisaient de l’huile toute la journée. Ils revendaient leur production dans la Galaxie tout entière. C’est ainsi qu’ils avaient été envahis par ces ploutocrates de cyborgs. Un bruit de moteur arrêta le cours d’histoire.
— Ne restons pas à découvert, les hélicouperets vont nous laminer, dit-il en se courbant.
— Et les trucs à-z-ailes ?
— Ce sont les gardiens Oïlers, leurs progénitures nous digèrent… vivants et je n’ai pas envie de finir dans leurs estomacs.
Je pris son parti et, tout en courant, il m’expliqua qu’il était le dernier des concombres pacsés et que le Président Nicolas, le vrai, était prisonnier à la Tour d’Argent.
— C’est quoi ce micmac ? Je n’y capte plus rien. Que vient faire la politique ici ?
Et soudain, je réalisai. Nom d’un Théophile au logis ! Cela sentait la magouille à plein nez, et j’en étais le jouet. Chico Réleroux m’avait roulé dans la farine. Il savait que je prendrais la route aux platanes. A coup sûr, il connaissait l’existence du passage. Vu son train de vie ostentatoire, il était de mèche avec les cyborgs. Ma perspicacité au-delà du réel me fit gonfler le torse. J’étais fin limier. Restait plus qu’à résoudre le lien avec ma grand-mère.
— Tu me disais quoi sur Nicolas ? demandai-je à Cucur le Pacsé.
— Qu’on le remplissait d’oméga3 sur ordre de la reine Carlotta.
Il m’expliqua qu’elle voulait s’accoupler avec une huile tête pleine et que nous étions les ultimes résistants avec Solana la tomate. D’ailleurs, cette dernière nous avait rejoint et entassait dans ses abajoues des billes rouges qu’elle récupérait du sphincter de son bas-fond.
— Tu parles d’une soute à munitions, fis-je remarquer.
— Elle fait le plein de balles à trou…, reprit l’allongé, du pur acide lycopersique. Nous en aurons besoin pour traverser le champ de Huildoror gardé par les Oilers et les dogshams à dents de scie, leurs rabatteurs.
Après renseignement complétif, je dois vous dire, chers lecteurs, qu’avant chaque bataille, ces chéries ondulantes affûtaient leurs burettes et s’enduisaient d’huile pour ne pas finir cul-de-jatte des ailes. Ceci, à cause des projectiles hyper oxydants de Solana qui trouaient leurs articulations. Sinon quoi, ces sales bêtes paralysaient, oui Madame ! Avec la PPF ! Parfaitement ! Puis elles jetaient, corps et âmes, à leurs larves naissantes pendant que Carlotta suçait à la paille les cerveaux qui la régénéraient. Je gerbais des joncs dans ce jardin des délices à l’assaisonnement fatal.
Le Pacsé se remit à courir tout en me mettant au jus.
— Nous t’attendions pour libérer Nicolas. Sur Terre, tu as tué un cyborg, un sosie du Président. Carlotta, la reine de Vito et aussi celle de ton monde s’est mise en tête de procréer. Et pour ça, elle a enlevé le vrai.
J’opinai de la caboche tout en grattant mon entrejambe.
— Il aurait phallus que je le…
Devant l’incompréhension du légume, je changeai de diction.
— Ah ben, ça va faire du propre dans la génétique, et le rejeton c’est pour diriger la planète bleue. Une histoire de famille, quoi.
— Oui.
Ainsi, pensai-je, j’avais été burné jusqu’au cou. Ce traitre de Chico Réleroux m’avait envoyé à sa place et fait croire que j’étais con-damné. Il avait programmé mon suicide, aidé par ses médocs. Trop fort le mec ! Et… Nom d’un poil à mazout ! Il savait que je choisirais l’arbre de droite, vu mes convictions politiques.
— Hou, hou, je peux parler ? s’excitait le concombre.
— Escuse mon pote ! Je philosophais.
— Carlotta est devenue une virtuose de la guitare pour envoûter Nicolas qu’elle a capturé et enfermé ici. Elle a vidé la tête de Carla, la vraie première dame, qui est prisonnière à l’Elysée.
— T’es en train de me dire que si j’suis là, c’est pas du hasard.
— Oui, le capitaine Chico nous a dit que tu étais le meilleur dans une affaire comme celle-ci.
— D’où la mise en scène du ripou relou qu’il est.
— Il fallait que ça fasse réel pour ne pas éveiller les soupçons. Ah, nous y voilà ! s’exclama Cucur.
Nous étions au pied d’un cookmaid XXXL au cul-de-poule en argent inoxydable.
— T’as un plan ? dis-je ému, pensant à ceux que j’avais caressés en bas, mes cocottes avaient si bons fonds.
— Nous entrerons par le dessus, après avoir volé un hélicouperet, me répondit-il, sûr de lui.
— J’vois ça d’ici… « B’jour les Ventrenloques ! On vient vous faucher une mandoline à manche ! On peut ? » Non, mais tu dérailles, dis-je alors qu’une ombre massive nous enveloppait.
— Ne-bougez-plus-vous-êtes-cernés !
Le concombre pacsé fonça. Il fut rattrapé par les dogshams qui en firent des rondelles et nous capturèrent, Solana et moi.
— Ben mon salopiaud ! J’étais scié devant cette tragédie des plus (le) funeste.
Capturés, saucissonnés et gardés par Carlotta qu’on s’est retrouvés tous les trois. Pas eu le temps de leur montrer ma vélocité à dégainer. Assis à côté de Nicolas qui a grossi de la tête, je lui demandai où on était et s’il avait un projet.
— Quelqu’un m’a dit qu’elle m’aimait-t-encore, susurra-t-il.
Il me murmura que souhaitant rentrer à l’Elysée, il voulait sortir de ce cul de poule de merde qui était une prison accolée à la Tour d’Argent.
— J’en ai assez de cette bombasse à piles, avoua-t-il pendant que j’observais à travers la poterne transparente, la cyborg qui ronronnait sur sa guitare. Tout est dans ma poche, précisa Nico, notre évasion, dans les moindres détails.
— Ouais, mais on n’a toujours pas le mot de passe, annonçai-je à sa Majesté républicaine. S’il en faut un pour entrer… J’me souviens qu’avant de mourir, Mamy Molette répétait sans arrêt tomatenlat… tomatenlat…
J’implorai Saint Théophile Le Verbeux de vérifier la teneur en omega3 du cerveau de Nicolas qui analysait le mot de la fin, tandis que la forme incurvée de notre prison le pressait contre moi.
— Alors là, votre Hauteur, pas de ça chez mézigue ! Y a butiner et butiner, je m’escuse ! que je lui dis droit dans les yeux.
J’avais gardé mon briquet dans mon poing et en un tour de molette, une flamme rompit la pérennité de nos liens ainsi que ceux de Solana. Pendant que Carlotta roupillait sur sa guitare, je lus le plan présidentiel.
— Ben mon colon !
Le temps pressait. Nous allions mourir dans deux minutes ! Dès que les pales du kitchentruc tourneraient, nous finirions en repas gourmet pour des asticots ferblantés.
Hélas, le moteur se mit en route. Mon sang ne fit qu’un tour. Alors que Carlotta se levait, j’ouvrai la poterne et lui filai un coup dans les roubignolles alphanumériques. Elle perdit sa connaissance binaire et je la hissai sur mon dos en tant que monnaie d’échange. La nuit était notre alliée, nous sortîmes du cookmaid royal, courûmes vers les hélicouperets et sautâmes dans le cockpit.
— Qui a son permis ? demandai-je, soudain angoissé en débarquant Carlotta sur un siège arrière.
— J’en fais mon affaire, répondit Nico. Quand j’étais p’tit, papa…
— On s’en fout vot’ Présidence ! Prenez le manche et faîtes vibrer l’engin, dis-je facétieux.
Le bruit mécanique alerta les Oïlers qui vrombirent vers nous. Solana, debout sur la queue de notre hélico rapté, tirait des salves destructrices. L’ennemi dézingué riposta sévère faisant éclater le pare-brise. Aspergée d’une giclée huileuse et létale, la pauvre tomate expira dans l’habitacle tandis que les Oïlers s’écrasaient au sol, faisant tache d’huile.
— Adieu Solana, ton acide Lycopersique, nous a sauvé la vie…
— J’ai trouvé le mot de passe ! hurla le p’tit Nicolas qui me coupa la chique dévastée. C’est du latin ! Je suis un génie !
Sentant la fin de l’opération, je me disais que j’avais fait tout ça gratos, bravo le tonton macoute ! C’est à ce moment de réflexion existentielle que Mamy Molette se manifesta.
— Théo, voyons ! Tomate en latin…
— Solana.Lycopersica ! beugla Nico.
Sans savoir si j’étais mort ou vif, je songeais déjà au retour sur la planète bleue lorsque la reine émergea de ses rêves bi-ioniques. Elle susurra.
— Mon petit doigt m’a dit… Sol…la… bzzz… bzzz…
— Ta gueule, Carlotta ! hurla le p’tit Nico qui se retourna.
La cyborg avait son compte et éclatait son CPU.
— Ma bagnole ! Nous sommes sauvés ! fis-je tandis que Nicolas le grand posait l’appareil que nous abandonnâmes sans regret.
Le mot de passe donné, nous quittions cette dimension aléatoire dans ma R5 GT Turbo rafistolée avec les pièces prises sur la cyborg dont les restes grésillaient dans le coffre. Le monde s’offrait à nous. Les répliques des deux platanes me faisaient face. Je m’élançai pied au plancher sur celui de gauche. Le sortant, je tiens à préciser. Les branches s’écartèrent. Au bout du propylée, un brouillard jaune s’étirait devant nos mirettes plus grosses que des planètes.
— C’est curieux, dit le Président, je ne reconnais pas l’Elysée.
Dans mon for intérieur du haut, un règlement de compte neuronal battait son plein.
— On n’est pas à la maison. C’est quoi c’t’envers du décor ?
— Le GPS de ta bagnole nous a fourvoyé.
— Ben, c’est surtout qu’il est grillé vot’Présidence. Y a plus qu’à bigophoner à E.T.
Autour de nous, rien. Pas un seul gibier à tirer, pas une jupe à soulever. Que du sable ! On était perdu dans une galaxie inconnue. Je pétochais grave. C’était un coup à attraper un prolapsus du fond d’commerce avec une perspective neurasthénique du kangourou, j’vous l’dis. Ça en devenait inquiétant. Ce pensant, j’ouïs un bruit venant du coffre : Tchic ! Tchic ! Tchic !
J’ouvris. Carlotta grésillait un max et avec à peine la moitié de son patrimoine informatique, elle ne risquait pas de jouer de la guitare pour embobiner Nicolas. Néanmoins, elle m’envoya une clé USB de 10 en pleine poire.
— Nom d’un Bérurier lyrique ! C’est comme le cygne du lac, jamais morts ces trucs-là.
— C-o-ode-e ! ânonna-t-elle d’une voix outre-tombale, une pointe d’émotion dans l’œil.
J’évitai le projectile de justesse et l’attrapai au vol. Manquerait plus que je devinsse borgne et dans un tel merdier poudreux, y avait de quoi râler. Je me rassis au volant de la GT, perplexe, à l’écoute de mes divagations opportunes, caressant mon menton volontaire, les dendrites et autres axones au taquet.
— Solana.Lycopersica, c’était pour quitter Vito. Mais ici ? Mamy, t’es la ?
Ben non, elle n’était plus là. J’avais réalisé et elle s’était lovée dans un coin de mon palpitant bien au chaud. Le temps d’essuyer la transpiration excessive de mon œil, j’eus le déclic. « Théophile Le verbeux vous irez loin ! », m’autocongratulai-je en retournant dans mon coffre récupérer la cyborg.
— J’suis pas sûr, mais… on peut tenter le coup. Prenez-là sur vos genoux. Attachez votre ceinture et si vous le pouvez… Priez ! dis-je au p’tit Nicolas.
Je mis le moteur en marche. Au bruit qu’il faisait, il ne tiendrait pas perpette. J’y allai franco de port et j’écrasai l’accélérateur. La GT démarra en trombe. Les roues, tels des godets de Noria en plein Sahara, charriaient des pelletées de sable qui embrouillardaient le paysage. Nico, recroquevillé sur son siège, regrettait celui de l’Elysée. A deux doigts de dépasser le mur du son, je sortis de ma poche la clé USB de 10 et je l’enfonçai d’un coup sec dans l’œil de Carlotta qui émit un ultime grésillement avant de se désintégrer.
La dimension inconnue disparut d’un « pop » de bulle champagnisée et nous atterrîmes, en pleine nuit, et en silence, dans la cour de l’Elysée, à l’abri des regards. Une voiture noire aux vitres teintées attendait un couple qui descendait les marches du perron.
Carla avait le ventre bien rond et un sourire mécanique. Le Nicolas qui l’aidait à s’asseoir se redressa, le visage dans notre direction, les yeux allumés rouge. Mes neurones à l’aguet s’emballèrent, j’appuyai sur le champignon métallique de ma R5 GT Turbo alors qu’un rayon meurtrier débitait le mélèze du noël élyséen qui nous camouflait.
— Ben mon salaud ! Y pleuvait des bûchettes et ça sentait l’sapin.
Texte protégé par www.ecoffre.fort.fr
Auteur Françoise Moreaux
Hello ma Fanfan,
Une fois de plus, une fois encore… en fait comme toujours, tu m’as arraché des gros fous rires. Le vocabulaire est une pépite, le rythme effréné, l’imagination débordante… et l’allusion à Prof carrément jouissive!
Gros bisous
Coucou ma Lily jolie,
Merci. Je me suis amusée comme une folle.
J’attends tes histoires, je n’ai pas vu ton nom dans la liste des blogueurs.
Bise